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Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/170

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sous le bras, en boitant avec une dignité qui présageait un évêque.


Ce même jour, accoudés au parapet qui borde l’escalier de la Butte, Arcade et Zita contemplaient les fumées et les brumes qui s’élevaient au-dessus de la ville immense.

— L’esprit peut-il concevoir, dit Arcade, ce qu’une grande ville contient de douleurs et de souffrances ? Je crois que si un homme parvenait à se le représenter, l’horreur de cette vision serait telle qu’il tomberait foudroyé.

— Et pourtant, répondit Zita, tout ce qui respire dans cette géhenne aime la vie. C’est un grand mystère !

— Malheureux tant qu’ils existent, il leur est affreux de cesser d’être ; ils ne cherchent pas dans l’anéantissement une consolation ; ils n’y prévoient pas même de repos. Leur folie leur rend redoutable le néant même : ils l’ont peuplé de fantômes. Et voyez ces frontons, ces clochers, ces dômes et ces flèches qui percent la brume, surmontés d’une croix étincelante !… Les hommes adorent le démiurge qui leur a fait une vie pire que la mort et une mort pire que la vie.