Page:Anatole France - La Révolte des anges.djvu/176

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— Monsieur Sariette, vous vous rappelez, dit Maurice, le temps où vos bouquins, remués toutes les nuits, brassés, trimballés, brinqueballés, roulés, écroulés, s’en allaient à la débandade jusque dans le ruisseau de la rue Palatine. C’était le bon temps ! Désignez-moi donc, monsieur Sariette, ceux qui furent le plus agités.

Ces propos jetèrent M. Sariette en une morne stupeur, et il fallut que Maurice s’y reprît à trois fois pour se faire entendre du vieux bibliothécaire, qui indiqua enfin un très ancien Talmud de Jérusalem comme ayant été souvent manié par les mains insaisissables. Un évangile apocryphe du iiie siècle, composé de vingt feuillets de papyrus, avait aussi maintes fois quitté sa place ; la correspondance de Gassendi paraissait avoir été beaucoup feuilletée.

— Mais, ajouta M. Sariette, le livre que sans doute pratiqua de préférence le mystérieux visiteur, c’est un petit Lucrèce en maroquin rouge, aux armes de Philippe de Vendôme, grand prieur de France, avec des notes autographes de Voltaire qui, comme on sait, fréquenta le Temple dans sa jeunesse. L’ef-