Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/307

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sent. Elles fixent la récompense de l’Olympionique, lui construisent son char, lui élèvent sa statue[1]. Les poètes chantent sa gloire. Le service des Muses est une lutte encore. La légende ne veut-elle pas qu’Hésiode ait lutté contre Homère à Chalcis et remporté le trépied d’airain[2] ? Les luttes des citharèdes aux jeux pythiques, les chœurs qui rivalisent aux cérémonies athéniennes, les représentations tragiques ou comiques inconcevables autrement que sous la forme de concours : autant de faits qui attestent chacun en des Grecs cette profonde volonté d’être à tout prix le plus fort.

Dira-t-on que ces institutions ou d’autres analogues se retrouvent en toute aristocratie ? Le riche seul peut être l’ἱπποτροφεύς victorieux à Olympie, et seul il peut subvenir à la dépense d’un chœur tragique. Où est la classe riche qui n’essaie pas d’éblouir ? Cela n’a rien, peut-on dire, de spécifiquement grec. La tragédie, les luttes d’Olympie, tout périclite, dès que l’aristocratie n’est plus. Qu’est-ce que cela prouve, si ce n’est que c’étaient des institutions aristocratiques ? Mais Burckhardt reprend : Quand le démos ne respecte plus le vainqueur d’Olympie, il respecte et admire l’éloquence ; sur un autre terrain et avec des moyens différents, c’est la même rivalité qui recommence. La « kalokagathie » n’est certes plus nécessaire aux captateurs des suffrages plébéiens, mais les applaudissements qui montent vers la tribune aux harangues valent ceux qui accueillent les vainqueurs du pentathle. Ce n’est pas une autre sorte d’hommes qui arrive au pouvoir avec la démocratie ; et les ressorts intérieurs de l’homme ne sont pas changés. Ce n’est pas de cette persistance de la rivalité que la cité grecque a péri, puisque

  1. Burckhardt, Griechische Kulturgeschichte, t. IV, p. 108.}}
  2. Ibid., IV, p. 93.