Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/162

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humaine. Nietzsche a cru de bonne foi que Schopenhauer avait le premier exploré du regard ces nouvelles régions de l’âme. Il restait à en faire la conquête. Par reconnaissance, Nietzsche, dans cette singulière biographie, où il ne cite ni une seule œuvre, ni un seul des enseignements de Schopenhauer, signale comme un durable mérite chez son devancier, d’avoir dressé sur l’horizon cet idéal de « l’homme schopenhauérien », en qui il met l’espoir de la civilisation en voie de naître.


II. — L’idéal humain des modernes.


Les religions antiques posaient sur les civilisations des mythes qui les gouvernaient. La philosophie antique les remplaçait par de grands anthropomorphismes, qui solidarisaient la marche des mondes et la conduite des hommes. L’œuvre de la philosophie moderne est lamarckienne . Elle sait que la fonction de l’intelhgence est de prolonger dans la durée l’orientation des vivants que leur instinct avait suffisamment adaptée au monde de l’espace. La piiilosophie est l’intelligence, non plus de l’individu, mais de l’espèce, et elle relie au présent et au futur la pensée des générations mortes. La méthode de l’anthropomorphisme nouveau est de créer un idéal humain ; puis de choisir dans le réel des points d’appui pour l’y enraciner. Ainsi cet idéal agirait comme un organe animé de l’énergie vitale, et qui nous aiderait à prendre possession de l’avenir et du monde. Nietzsche, faisant le bilan du siècle écoulé, croit y voir surgir trois idéals. Il en rejette partiellement deux, et croit adopter le troisième : 1o L’homme selon Rousseau ; — 2o l’homme selon Gœthe ; — 3o l’homme selon Schopenhauer. Ils expriment tous une réaction de la vie devant le réel. Ils ont été des tentacules