Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/321

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lisation nouvelle, animée par une philosophie plus haute que celle d’Empédocle, par un platonisme supérieur, dépasserait la civilisation grecque : La tragédie wagnérieune, inspirée de cette philosophie, dépasserait ainsi la tragédie eschylienne.


I. — Le nouveau portrait de Richard Wagner.


Comment comprendre cependant que cette espérance reste vivace en Nietzsche, après les violentes diatribes contre Wagner, qu’il avait, en 1874, confiée à ses carnets [1] ? Cette dure critique, preuve sans doute du plus immense orgueil, est aussi, dans la pensée de Nietzsche, une précaution de méthode. Elle laisse subsister, de Wagner et de son œuvre, tout ce que cette critique ne dissolvait pas. Mais si la personne et le génie de Wagner n’avaient pas toute la grandeur de l’image que s’en était faite Nietzsche, un problème nouveau se posait : À qui appartenait le mérite d’avoir suggéré cette grande image ? N’était-ce pas tout de même à Richard Wagner ? Si la tâche de l’éducateur consiste à évoquer dans les âmes des symboles émouvants de leur mission propre, Wagner ne l’a-t-il pas accomplie en entier ? Aurait-il projeté dans une conscience l’ombre de l’artiste dionysiaque, s’il n’avait été qu’un histrion habile, despotique et corrompu ? En ce sens, la IVe Intempestive sur Richard Wagner à Bayreuth est un dernier et sincère hommage de gratitude. Mais la IVe Unzeitgemässe, si elle se donne l’apparence de justifier le wagnérisme, ne le justifie pas tout entier. Elle voulait empêcher de croître un certain wagnérisme que Nietzsche redoutait.

  1. V. La Jeunesse de Nietzsche, p. 400 sq. ; — V. Gedanken über R. Wagner, 1874. (W., X, 427-450.)