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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/325

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nécessités, connues aussi de Nietzsche, qui s’imposent à une croissance tâtonnante. Tout lui est substance qu’il utilise : et l’histoire même n’est pour lui qu’une argile à pétrir, mobile comme un mythe et changeante comme un rêve. La masse de matériaux érudits qu’il charrie lui donne de l’équilibre, sans l’alourdir. Qu’il reconstruise le moyenâge de Lohengrin ou la Réforme des Meistersinger, il sait fixer les contours de l’humanité germanique éternelle ; et il la croit aimante autant que forte, mesurée dans son vouloir autant que tourmentée du besoin d’innover. Il grave en nous les préceptes de toute vie vigoureuse par sou discernement des valeurs-types : car ce sont les types qui se transmettent et les individus qui meurent.

Ce qui fut la tentative un peu grossière de la tumultueuse jeunesse de Wagner se transforme ainsi en mission presque sacrée. Il grandit dans ce milieu équivoque du théâtre, où toutes les vanités s’exaspèrent. Il devine le puissant attrait qu’exercerait un art triple et un, fait de musique, de poésie, de mimique. Il approfondit jusqu’à ce qu’elle ait livré tous ses secrets, la recherche de cette synthèse, que l’art grec seul avait réussie, l’art intégral. Des recherches très utilitaires le guident ? Sans doute. Il se penche sur son creuset comme un ingénieur, qui cherchait une recette industrielle pour s’enrichir, et découvre, chemin faisant, une loi de science. Wagner cherchait des moyens d’engouer le public. Il veut le déchaînement des enthousiasmes énormes. Toutes les spéculations où avait réussi Meyerbeer, non moins avide, mais plus habile, Wagner les reprend, sans venir à bout de la mauvaise chance tenace. Mais ce qu’il apprend sur la nature des hommes et de l’art suffit à renouveler l’interprétation de la destinée humaine par un art dont le secret s’était perdu depuis les Grecs. Sa passion, très impure dans ses mobiles, se purifie par la pauvreté. Quand la gloire lui vient,