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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/34

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nique exprimait à la fois et apaisait son vouloir. La vision concrète que nous aurons ainsi de la Grèce nous en révélera l’aspect éternel, parce que l’art grec nous révèle l’idée grecque, c’est-à-dire l’espèce grecque de l’humanité.

Mais il y a plus. Si nous pouvons, par une évocation posthume, faire revivre en nous les images de l’art grec, peut-être qu’une énergie créatrice pareille à celle des Grecs se réveillera en nous. Le divin sortilège peut se réapprendre. Il était né de la douleur grecque. Mais nous, de quel dégoût et de quelle souffrance n’est pas faite notre vie contemporaine ? Douleur qui déjà peut-être présage la régénération. Car cette douleur ne pourra se saisir elle-même qu’en visions imagées qui demanderont à entrer dans le réel.

Ainsi ce livre de la Naissance de la Tragédie rayonne lui-même d’une clarté mélancolique, mais apollinienne. Il dit la vision qui a fait découvrir à une grande âme désespérée des possibilités d’existence consolantes. Au-dessus de l’abime de deuil, de médiocrité et de crime où se débat notre civilisation, deux figures se dressent, saignantes, mais sereines : la Tragédie grecque et le Drame musical de Richard Wagner. Tâchons de les apercevoir dans la pénombre. Ensuite, réfléchissons à ce que nous aurons vu. Il nous faut commencer par le livre de la tragédie, pour sentir revivre en nous l’émotion créatrice d’où se lève le premier système pliilosophique de Nietzsche.