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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/368

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1o Pour l’intellectualisme, le vrai qui est aussi le seul réel, se reconnaît à ce qu’il est intelligible. L’intelligence mène le monde. La science offre le type parfait du système intellectualiste. Aucune réalité n’est certaine que si elle est d’abord sue, si elle est élevée dans cette conscience à la fois complètement claire et complètement unifiée qui est le savoir. Que dans cette vie de l’intelligence le jugement naisse des concepts, et le raisonnement des jugements ; ou qu’il y ait là une activité d’emblée unique, un mouvement continu et raisonnant de la pensée qui enveloppe d’avance ses étapes, les jugements à travers lesquels elle a l’air de se dérouler, et les aspects, conceptuels qui en offrent les diverses faces, l’essentiel est qu’il ne subsiste à aucune de ses étapes rien de fortuit ni de contradictoire.

Si la pensée unifie les connaissances, que la conscience individuelle limitée ne saisit que disjointes, c’est que son unité préexiste aux choses connues. Elle travaille sur tout le donné jusqu’à le transformer en quelque chose d’idéal. Tout le devenir, si multiple de qualité, elle en fait une trame homogène où les faits apparaissent comme des concepts étroitement liés. Des déterminations de nombre, d’espace, de temps, atteignent jusque dans l’infiniment petit les variations de ce devenir. Les faits de la conscience eux-mêmes subissent la loi du nombre, par leurs variations d’intensité et leur succession plus ou moins rapides. La conscience intellectuelle peut amener à la clarté jusqu’aux petites perceptions obscures qui demeuraient dans la pénombre. Après avoir créé une idée nouvelle du monde, la pensée crée ainsi au fond de nous une idée nouvelle du moi, transposée, elle aussi, dans cette grande conscience intellectuelle qui nous dépasse et qui seule confère l’existence aux objets qu’elle aperçoit et situe.

Mais aussi bien toute la vie collective et civilisée des