Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, III.djvu/370

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personnelle. D’une autre façon que chez les Anciens, le semblable ne connaît que le semblable. Tout le réel devient intelligible à mesure qu’il est connu, parce qu’il est imprégné d’intelligence. L’histoire entière de l’humanité se déroule comme une raison réalisée. Mais le rythme logique de cette pensée ne se découvrant qu’à la philosophie, on peut dire que la civilisation moderne a pour âme une philosophie rationnelle, comme le moyen âge avait pour âme une religion.

2o Conclusion à laquelle un autre système, le naturalisme, n’avait que trop beau jeu pour se refuser. Il objectait que cette unité intelligible de l’univers n’apparaît nulle part. La déraison, le contingent pur, l’inconnaissable nous y guette à tous les tournants. Si le réel physique se prête au calcul mathématique, encore est-ce parce que les données numériques fondamentales lui en sont fournies par l’expérience. La matière n’a pas cette unité qui lui viendrait d’une pensée qui construit des concepts dans un espace et dans un temps eux-mêmes conceptuels. Elle n’a qu’une unité de composition. Elle est une somme de molécules ou d’atomes dont le poids atomique peut se déterminer par des inférences expérimentales[1]. À supposer même que l’analyse réduise ces atomes non à des masses inertes animées de mouvement, mais à des centres d’énergie ondulante, l’unité des corps n’en serait pas moins une simple unité de composition. Pas une force transmise qui ne soit une somme assignable de forces composantes. La matière organique ne manque pas à la loi commune. Elle a une composition atomique plus complexe, mais non pas différente de celle des corps

  1. Ces atomes, on peut même dire aujourd’hui que les études sur le mouvement brownien ont permis de les voir au microscope, ou du moins d’en voir le reflet lumineux.