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au médecin qui soignait D. Lavaysse, était encore un ménagement dont le président usait envers lui, à cause de son état de faiblesse[1].

Aux premières paroles qui lui furent adressées, cet agent resta attéré ; il se crut perdu. Mais le médecin lui dit de se tranquilliser, qu’il a affaire à un chef d’État dont les nobles sentimens, dans tous les temps, sont une garantie pour son existence. D. Lavaysse, parcourant les imprimés du Cap, lui dit : « C’est exactement la copie des pièces que nous avons tous trois reçues du ministre de la marine ! » Et prenant les siennes, il les remit à M. Mirambeau en le chargeant de les apporter au président, de le remercier de toutes ses bontés, de lui exprimer toute sa gratitude, de lui donner l’assurance que, rendu en France, il se fera un devoir de parler de toutes les grandes qualités qu’il possède et qui le rendent digne de commander à des hommes libres dont il veut le bonheur. Il ajoute : « Je ferai savoir quelle est la véritable situation de la République d’Haïti, et quels sont les titres de ses citoyens à la justice de la France[2].

Pétion lui renvoya ses pièces manuscrites, après en avoir pris lecture. Le 2 décembre, D. Lavaysse partit du Port-au-Prince et se rendit à la Jamaïque.

  1. « Christophe… envoya tout à Pétion : celui-ci, qui avait déjà rompu avec D. Lavaysse, lui en présenta le recueil. Dauxion avoua les pièces. Pétion ne voulant pas abuser de la position de cet agent ministériel, ni exercer le droit rigoureux de le traiter en espion, se contenta de lui notifier que désormais les intentions de la France étant connues, la République d’Haïti allait se préparer à la défense… » — Négociations entre la France et Saint-Domingue, par Wallez, publiées à Paris, en 1826.
  2. J’ai entendu le docteur Mirambeau raconter son entretien avec D. Lavaysse. Cet agent fit effectivement un rapport favorable à Pétion et à la République, mais on ne voulut pas l’écouter. Il fut disgracié, pour avoir agi autrement que ne lui prescrivaient ses instructions. Sabourin et Inginac le voyaient souvent ; et du Port-au-Prince il écrivait au ministre de la marine. Dans une de ses lettres, il a dit d’Inginac : « C’est un homme très-fin et très-habile. »