Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/114

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préférence l’exemple, et les autres l’enthymème. Les discours où domine l’exemple ne sont pas moins persuasifs, mais ceux où domine l’enthymème ébranlent davantage l’auditeur.

XI. Quant à la raison d’être de ces arguments et à leur mode d’emploi, nous en parlerons plus tard. Pour le moment, il nous suffit d’en donner une définition exacte. Ce qui est propre à persuader est propre à persuader certain auditeur. Tantôt la persuasion et la conviction se produisent directement par elles-mêmes, tantôt elles s’obtiennent par une démonstration due à des arguments persuasifs ou convaincants. Aucun art n’envisage un cas individuel ; ainsi, la médecine ne recherche pas quel traitement convient à Socrate ou à Callias, mais bien à tel individu ou à tels individus pris en général et se trouvant dans tel ou tel état de santé. C’est là le propre de l’art, tandis que le cas individuel est indéterminé et échappe à la méthode scientifique. La rhétorique ne considérera pas, non plus, ce qui est vraisemblable dans un cas individuel, par exemple pour Socrate ou Hippias, mais ce qui le sera pour des individus se trouvant dans telle ou telle condition. Il en est de même de la dialectique. Lorsque celle-ci fait des syllogismes, elle ne les appuie pas sur les premiers faits qui se présentent (car certains apparaissent même à des gens dénués de sens), mais sur des arguments rationnels. De même la rhétorique s’appuie sur des faits que l’on a l’habitude de mettre en délibération.

XII. L’action de la rhétorique s’exerce sur des questions de nature à être discutées et qui ne comportent pas une solution technique, et cela, en présence d’un auditoire composé de telle sorte que les idées d’ensemble lui échappent et qu’il ne peut suivre