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en proclame l’existence, de le détruire ; et, s’il y a doute pour savoir laquelle, de la colère ou de la haine, a été le, mobile d’une action, de diriger (l’auditoire) vers la solution que l’on préfère.


CHAPITRE V


Qu’est-ce que la crainte et ce qui l’inspire ? Dans quelle disposition est-on lorsqu’on a de la crainte ?


I. Maintenant [1], sur quoi porte la crainte ; quels sont ceux qui l’inspirent ; dans quel état d’esprit sont ceux qui l’éprouvent, c’est ce que rendront évident les explications qui vont suivre. La crainte sera donc une peine, ou un trouble causé par l’idée d’un mal à venir, ou désastreux, ou affligeant : car tous les maux indifféremment ne donnent pas un sentiment de crainte ; telle, par exemple, la question de savoir si l’on ne sera pas injuste ou inintelligent ; mais c’est plutôt ce qui implique l’éventualité d’une peine ou d’une perte grave, et cela non pas dans un lointain avenir, mais dans un temps assez rapproché pour que ces maux soient imminents. Et en effet, on ne redoute pas ce qui est encore bien loin de nous : ainsi tout le monde sait qu’il faudra mourir ; mais, comme ce n’est pas immédiat, on n’y songe pas.

II. Si donc la crainte est bien ce que nous avons dit, il en résulte nécessairement que ce sentiment aura pour motif tout ce qui parait avoir une grande puissance peur détruire, ou pour causer un dommage qui

  1. L’édition de Buhle place cette phrase à la fin du chapitre précédent, mais elle appartient évidemment à celui-ci.