Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/300

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faire honneur, mais afin d’avoir un compagnon inférieur à lui-même : car il est admissible que ce fut là son mobile.

XXI. Un autre lieu, commun à ceux qui plaident et à ceux qui délibèrent, c’est d’examiner les faits qui suggèrent une action ou qui en détournent, ainsi que les considérations par lesquelles on agit ou l’on évite d’agir. Car il est telles choses que l’on doit faire si ces considérations se présentent ; par exemple, si l’action est possible, facile, avantageuse ou à soi-même, ou à ses amis, ou nuisible à nos ennemis et de nature à les punir, ou encore si la punition encourue par nous est moins importante que le profit de notre action. Ces considérations nous portent à agir et leurs contraires nous en détournent. Ce sont les mêmes qui nous servent pour accuser et pour défendre. On emploie celles qui détournent pour la défense et celles qui portent à agir pour l’accusation. Ce lieu constitue tout l’art de Pamphile et de Callippe[1].

XXII. Un autre lieu se tire des faits qui semblent bien arriver, mais qui sont cependant incroyables en ce sens qu’ils sembleraient impossibles, s’ils n’existaient réellement ou s’ils n’étaient à la veille de se produire, et aussi parce qu’ils arrivent plutôt (que d’autres). En effet, on n’a d’opinion que sur un fait existant, ou sur un fait vraisemblable. Par conséquent, si la chose est à la fois incroyable et invraisemblable, il faut nécessairement qu’elle soit réelle[2] ; car ce n’est pas comme vraisemblable ou probable qu’elle pourrait paraître telle. Exemple : Androclès de Pitthée parlant contre les

  1. Voir, sur Callippe, ci-dessus, l. I, chap. XII, § 29, note. Pamphile, disciple de Platon (voir Suidas, art. Πάμφιλος). Cp. Cicéron, De Orat., iii, 21.
  2. Pour entrer dans un argument. Le mot ἀληθές a ici plus de force que le mot français vrai.