Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III. D’abord donc on a recherché, suivant l’ordre naturel, — question qui occupe habituellement la première place — les faits même dont la connaissance entraîne la probabilité ; en second lieu, la manière d’en disposer l’énonciation ; troisièmement, question de la plus haute portée, mais qui n’a pas été traitée encore, ce qui se rapporte à l’action oratoire [1]. En effet, elle ne fut admise que tardivement dans le domaine de la tragédie et de la rapsodie, vu que, primitivement, les poètes jouaient eux-mêmes leurs tragédies. Il est donc évident qu’elle a une place dans la rhétorique, aussi bien que dans la poétique. Certains en ont traité[2] entre autres Glaucon de Téos.

IV. Cette action réside dans la voix, qui sera tantôt forte, tantôt faible, tantôt moyenne (et il faut examiner) comment on doit s’en servir pour exprimer chaque état de l’âme, quel usage faire des intonations qui la rendront tour à tour aiguë, grave ou moyenne, et de certains rythmes suivant chaque circonstance, car il y a trois choses à considérer : ce sont la grandeur, l’harmonie et le rythme[3]. Dans les concours, c’est presque toujours l’action qui fait décerner le prix, et tout comme, dans cet ordre, les acteurs l’emportent actuellement sur les poètes, il en est de même dans les débats politiques, par suite de l’imperfection des gouvernements[4].

  1. Ὑπὀκρισις, le jeu de l’orateur comme du comédien, τοὑ ὑποκριτου.
  2. Ont traité de l’action poétique. Sur Glaucon, cp. Poétique, ch. XXV. Voir Egger, Histoire de la critique chez les Grecs, p. 22.
  3. La grandeur se rapporte à la force de la voix, l’harmonie au degré d’intonation, et le rythme à la durée des sons articulés
  4. Τὼν πολιτειὡν. Peut-être πολιτὡν. Cp. Quintilien, Institut. oratoire, II, 17, 27. — Revoir aussi, plus haut, l. I, chap. I, § 4.