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Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/118

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avait parié, juré d’abattre le premier homme qui y mettrait le pied. Il tint son serment et gagna. son pari. Lorsqu’un uniforme prussien apparut au-dessus de la barricade qui fermait la route, un coup de feu retentit, l’homme tomba. Le capitaine alors, un grand diable sec, à la figure noire de poudre, fit un moulinet avec son chassepot et s’écria, je le vois, je l’entends encore : « Il y est, il y est, hein ! qu’est-ce que j’avais dit ? Allons, les enfants, tirez, tirez ; » et il se mit à recharger.

Mais le commandant, voyant un régiment ennemi. pénétrer dans le village et deux autres qui se disposaient à y entrer aussi, jugea le moment venu de faire cesser une lutte désormais inutile. Nous avions combattu jusqu’à la dernière extrémité. Il voit qu’il ne doit pas nous laisser prendre et livrer à une mort certaine des hommes qui, s’il le jugeait nécessaire, se feraient tous sans exception hacher sur place. Il fait sonner la retraite.

L’instant d’après nous sommes autour de lui.

Un danger nous attend encore. Il faut franchir l’espace qui sépare le village de la forêt. C’était un champ large seulement d’une centaine de mètres, mais à découvert et en plein sous le feu prussien. Nous reprenons haleine un instant, puis, courbés en deux, le fusil à la main, nous nous élançons au pas de course. Les balles sifflent à nos côtés ; l’une d’elles atteint auprès de moi un jeune Polonais et lui traverse la bouche. Il fait entendre un cri étouffé et chancelle. «