Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/128

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Le serrurier arrive. On réussit à ouvrir la porte ; on réveille le gardien, et à trois heures et demie nous étendons nos membres fatigués sur le plancher poudreux et couvert de toiles d’araignée de quelques vieilles salles.

Malgré ma fatigue, je ne pus dormir. Le lendemain, j’écrivis quelques mots à mes parents pour les rassurer. Des dames de la ville obtinrent l’autorisation d’entrer dans le château où nous étions renfermés. Elles nous donnèrent du papier et des plumes, écrivirent pour ceux d’entre nous qui ne savaient pas le faire et montrèrent une bonté, un dévouement rares. C’est à peine si je pus donner de mes nouvelles à ma famille. J’étais dans un tel état de prostration par suite de toutes ces fatigues, du défaut de nourriture et de la privation de sommeil, que je passai quarante-huit heures dans un état de torpeur et d’hébétement. Le sommeil me revint heureusement et, la nourriture aidant, je me remis.

Pendant notre séjour à Bouillon, nous fûmes rejoints par des soldats de toutes armes et une vingtaine de nos camarades qui, égarés après le combat, s’étaient réunis et étaient parvenus à passer en Belgique.

Au moment où ils franchissaient la frontière, un chef d’escadron des hussards de la reine qui les poursuivait arrivait au galop avec ses hommes. Il réclame avec arrogance ces francs-tireurs comme ses prisonniers. L’officier belge auquel ils étaient en train de rendre les armes s’approche de l’Allemand et lui fait remarquer que « ses prisonniers » sont sur le territoire belge, qu’ils ont déposé les armes et que, par conséquent, les Prussiens n’ont aucun droit sur eux. Le cavalier prussien s’arrête, tire sa carte, vérifie