Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/156

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« Le même jour, à neuf heures, je me rendis au quartier général du comte de Moltke, où j’obtins quelques adoucissements aux mesures proposées.

« Je ne connais pas encore le chiffre exact de nos pertes, mais j’évalue de 15 à 20 000 hommes le nombre de morts et de blessés pour les deux journées de Beaumont et de Sedan.

« L’ennemi assure nous avoir fait 30 000 prisonniers dans ces deux mêmes journées. À la bataille livrée sur le plateau d’Illy, nous avions de 60 à 65 000 combattants. M. de Moltke lui-même a reconnu que nous avons lutté contre 220 000 hommes, et que la veille, à 5 heures du soir, un corps prussien d’un effectif supérieur à celui de notre armée était déjà placé sur notre ligne de retraite. Une lutte soutenue pendant quinze heures contre des forces très supérieures me dispense de faire l’éloge de l’armée. Tout le monde a noblement fait son devoir.

« Je regrette profondément de n’être arrivé à l’armée que le soir d’un insuccès, et de n’en avoir pris le commandement que le jour où une grande infériorité numérique et les conditions dans lesquelles étaient placées les troupes rendaient la défaite inévitable.

« C’est le cœur brisé que j’ai apposé ma signature au bas d’un acte qui consacre un désastre pour la France, sacrifice que mes compagnons d’armes et d’infortune sont peut-être seuls susceptibles de bien comprendre.

« J’avais fait connaître tout d’abord au général de Moltke que je ne séparais point mon sort de celui de l’armée. Je suis en route pour Aix-la-Chapelle, où je vais me constituer prisonnier, accompagné de mon état-major particulier et de l’état-major général du 5e corps, qui, pendant toute la bataille, en l’absence