Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/17

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dans un carton en se bornant à mettre en marge le mot « exagération ». Le ministère se croyait sûr de la paix pour 1870. On parlait même de désarmement. Dans la séance du Corps législatif du 30 juin, l’opposition demanda que l’on réduisît à 80 000 hommes le contingent que le gouvernement proposait de fixer à 90 000. Un seul homme politique réclama le chiffre de 100 000  : c’était M. Thiers, qui, quelques jours plus tard, allait, au risque de perdre sa popularité, s’opposer de toutes ses forces à la guerre, parce que seul il se rendait un compte exact de notre situation et de notre faiblesse.

Il monta à la tribune « pour remplir un devoir de bon citoyen » et prononça un magnifique discours qui étonne aujourd’hui par la profondeur de vue et l’admirable clairvoyance qu’il révèle. On voudrait pouvoir le citer en entier.

« Pour que la Prusse désarmât, s’écria-t-il, il ne suffirait pas qu’elle renvoyât dans leurs foyers un plus ou moins grand nombre de ses soldats, il faudrait qu’elle brisât la Confédération du Nord ; il faudrait qu’elle renonçât aux traités avec le Wurtemberg, avec la Bavière et avec d’autres États allemands ; et ce genre de désarmement, qui serait le seul sérieux, elle n’y consentira jamais. Quand on parle de désarmement, on parle d’une chimère. Le désarmement est impossible en Europe, par cette raison toute simple que tout le monde est sur le pied de paix à l’instant où je parle, mais que certaines puissances ont changé et leur territoire, et leur population, et leurs armées, et leur situation tout entière…

« On répète toujours que la paix est assurée. L’est-elle ; oui ou non ? Mais si elle l’est, pourquoi ces armements extraordinaires ? Je vais essayer de répondre,