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Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/25

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l’engagement d’honneur de la retirer définitivement. Aussi, lorsque la question se représenta en 1870, le gouvernement, poussé par l’opinion publique, ne se tint pas pour satisfait de la renonciation obtenue du prince Antoine et demanda au cabinet de Berlin des garanties pour l’avenir.

La Russie et l’Angleterre conseillaient au roi de Prusse de céder. Le roi hésitait. La guerre, disons-le, était, tant en France qu’en Allemagne, désirée et voulue : en Prusse par M. de Bismarck et le parti militaire, qui savaient que l’organisation de leur armée était arrivée à un haut point de perfection, et que chez nous, au contraire, malgré les avertissements de Sadowa, rien n’avait été fait [1] ; en France par un parti, plus bruyant peut-être que nombreux, mais qui sut entraîner le pays à sa remorque. L’opinion publique y était

  1. M. de Bismarck, admirablement renseigné par l’armée d’espions allemands répandus dans Paris, dans la France entière, n’avait du reste qu’à ouvrir le Journal officiel de l’Empire français pour savoir à quoi s’en tenir sur les forces militaires de la France. Après le plébiscite du 8 mai, où l’on commit la faute grave, à tous les points de vue, de faire voter l’armée, les résultats du vote furent consignés au Journal officiel, partiellement d’abord, les 9, 10 et 11 mai, et enfin d’une manière définitive, le 19. II était établi que le nombre des votants appartenant à l’armée de terre était de 300684. En déduisant de ce chiffre la gendarmerie, les troupes nécessaires au maintien de l’ordre en Algérie et les non-valeurs, toujours si considérables, il était facile de discerner la faiblesse réelle de notre effectif. De plus 41 782 soldats avaient voté non, et l’effet de ce vote, qui révélait dans l’armée une opposition formidable, avait été tel que l’Empereur avait cru nécessaire de calmer l’opinion par une lettre au maréchal Canrobert, publiée à l’Officiel du 13 mai : « On a répandu, sur le vote de l’armée de Paris, écrivait l’Empereur, des bruits si ridicules et si exagérés, que je suis bien aise de vous prier de dire aux généraux. officiers et soldats qui sont sous vos ordres, que ma confiance en eux n’a jamais été ébranlée. » À ces causes d’inquiétudes venaient s’ajouter les troubles qui avaient lieu dans Paris. Le moment d’agir était venu pour M. de Bismarck. Il le sentait et il sut en profiter.