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Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/70

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turcos qui roulait une cigarette à ce moment et qui, continuant tranquillement son opération, nous exhorta au calme et à la modération en nous prêchant merveilleusement d’exemple. Nous descendons néanmoins à la hâte des wagons, et, comme nous nous trouvions au fond d’une tranchée, nous en escaladons les deux côtés et nous nous déployons en tirailleurs ; mais, tout bien examiné, on s’aperçoit qu’il n’y a rien. Tout se borne à une vulgaire rencontre de trains. Une aiguille mal placée a dirigé le nôtre, lancé à toute vitesse, sur un convoi de vivres et de munitions destiné au camp de Mac-Mahon, dont on aperçoit les feux briller dans le lointain. Chacun prend son sac et ses armes et l’on part à pied pour le camp en glosant sur l’accident dont tout le monde, à peu près, avait été plus ou moins victime. Rien heureusement n’était grave : un bras démis, de nombreuses contusions, quelques bosses au front, quelques dents cassées, quelques genoux endoloris. Tout le monde voulait découvrir le motif de l’accident et chacun mettait en avant une hypothèse plus ou moins hasardée ; après mûr examen et maint commentaire, on finit par trouver le moyen de se mettre d’accord et de satisfaire les plus difficiles en attribuant notre malheur à quelque émissaire prussien, qui aurait fait dérailler le train.

En deux heures de marche, nous eûmes rejoint le gros de l’armée.

Nous traversâmes vers dix heures la ville de Rethel, où régnait un désordre inouï, où l’on ne pouvait trouver un morceau de pain, et nous allâmes camper dans un champ converti en marais par les dernières pluies, sur le bord de la route que devait suivre l’armée. En effet nous vîmes, le lendemain, passer devant nous