Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/72

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et embarrassante ; la carabine Minié se chargeant par la culasse, bonne arme, mais très lourde, dont le calibre était fort et les balles très grosses. Le sabre-baïonnette, une cartouchière bien garnie, tout cela faisait un poids énorme. Quand le clairon sonnait le fatal sac-au-dos et qu’on allait se mettre en marche, je me demandais si je ferais vingt pas. Je suis toujours arrivé cependant, mais que de fois ai-je eu la tentation de jeter aux orties ce sac fatal !

Nous longeâmes pendant assez longtemps le canal des Ardennes, bordé de beaux arbres. Nous traversâmes un parc magnifique qui entourait un château près duquel on nous distribua du vin. Nous nous reposâmes à Thugny et nous arrivâmes le soir vers neuf heures à Attigny, où nous devions passer la nuit. La journée était belle. Sans la fatigue extrême que me causait mon équipement, cette promenade m’eût paru délicieuse.

Attigny, qui n’est plus qu’une jolie petite ville industrielle et agricole, a eu ses jours de splendeur. Placée sur les bords de la poissonneuse rivière d’Aisne, près de l’immense forêt des Ardennes, elle fut le séjour préféré des rois de la première et de la seconde race. Charlemagne y venait souvent, et c’est là qu’il fit baptiser le Saxon Witikind ; mais cet éclat a disparu depuis longtemps. Condamnée par sa situation à être continuellement un lieu de passage de troupes, elle fut peu à peu complètement dévastée. De 1638 à 1653 notamment, des bandes d’Allemands, de Lorrains, d’Espagnols, sans parler des Français, pillèrent et ruinèrent si bien les habitants, que le désespoir les réduisit à abandonner leurs maisons. Ce fut vers cette époque que disparurent les derniers vestiges des palais des anciens rois.