Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/87

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d’artillerie s’installe à nos côtés et l’on se met à construire deux ponts pour livrer passage à l’armée. Le génie ignorait-il, lorsqu’il fit établir par les pontonniers ces deux mauvais passages qui exigèrent beaucoup de temps et de peines, qu’à quelques centaines de mètres en aval, entre Bazeilles et Remilly, il y avait un pont magnifique, celui du chemin de fer, que lui cachait un coude de la Meuse ? Ce qu’il y a de certain, c’est que le génie ne pensa pas plus à l’utiliser pour faire passer les troupes françaises qu’à le détruire quand les Prussiens arrivèrent pour en profiter. L’ordre de le faire sauter fut cependant donné le lendemain par le quartier général, mais cet ordre ne fut pas exécuté, soit que les Prussiens s’en fussent déjà emparés, soit que les moyens manquassent, soit enfin qu’on n’ait pas pu réussir mieux que la veille à le découvrir !

Quoi qu’il en soit, vers sept heures les ponts de bateaux sont terminés et le défilé commence. Arrivés les premiers, nous devons traverser le fleuve les derniers, ramenés brusquement de l’avant-garde à l’extrême arrière-garde.

Ce jour-là, nous nous reposons. Quand je dis nous nous reposons, je veux simplement dire que nous restons en place. À peine a-t-on fait halte, que je suis chargé de la corvée du bois. Je vais, à près d’un kilomètre, couper un fagot de bouleau et ramasser un peu de bois mort. À mon retour, je suis désigné, avec quelques camarades, pour la corvée du pain. Nous descendons à Remilly, où étaient parvenues des voitures de l’intendance, et nous nous chargeons chacun de cinq ou six pains de quatre livres. Ils étaient mauvais, moisis, et il fallait trier dans le tas ceux que l’on pouvait encore manger, mais enfin c’était du pain ; nous n’avions que du biscuit depuis six jours.