Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/96

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Les Allemands eurent 3500 hommes hors de combat. On remarquera l’importance des pertes des vainqueurs. Elles sont du double environ de celles de l’armée vaincue. C’est que, ce jour-là, les Allemands combattirent en masses profondes. 156 000 hommes devaient se déployer sur un front de 6 kilomètres seulement, ce qui donne une densité moyenne de 26 hommes par mètre courant, tandis que les Français, pendant la retraite surtout, combattirent presque toujours en tirailleurs. Avec les fusils à tir rapide, les combattants dispersés ont un avantage considérable sur des troupes concentrées.

Telle fut cette lamentable journée, triste prélude de la catastrophe du surlendemain. Outre les pertes matérielles considérables qu’elle nous infligea, elle eut pour résultat de démoraliser l’armée en portant l’effroi dans le cœur de tous, et d’enlever au soldat la confiance dans ses chefs. Questionné par le général Margueritte sur ce qui venait d’arriver à Beaumont, un fuyard du 5e corps lui répondit en lui demandant simplement si l’on n’allait pas fusiller le général de Failly.

Et cependant, si le commandant du 5e corps s’était gardé comme il aurait dû le faire, si, au lieu d’établir son camp dans un bas-fond, il avait occupé les hauteurs, il eût pu repousser avec succès la première attaque, appeler à son aide le général Douay, qui n’était qu’à deux heures de lui, et informer de sa position le commandant en chef, qui, en ramenant vivement toute l’armée en arrière, aurait pu écraser l’ennemi et changer en victoire cette malheureuse déroute. Au lieu de retarder sa marche, un combat de ce genre l’eût singulièrement favorisée. Pour une armée poursuivie, un échec important infligé à l’ennemi n’est jamais une