Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/110

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entendus ; et ainsi nous nous contentons souvent de les prononcer, sans examiner jamais si l’idée que nous en avons est claire et distincte ; et nous attribuons même à ce que nous nommons d’un même nom ce qui ne convient qu’à des idées de choses incompatibles, sans nous apercevoir que cela ne vient que de ce que nous avons confondu deux choses différentes sous un même nom.


CHAPITRE XII

Du remède à la confusion qui naît dans nos pensées et dans nos discours de la confusion des mots ; où il est parlé de la nécessité et de l’utilité de définir les noms dont on se sert, et de la différence de la définition des choses d’avec la définition des noms.


Le meilleur moyen pour éviter la confusion des mots qui se rencontrent dans les langues ordinaires est de faire une nouvelle langue et de nouveaux mots, qui ne soient attachés qu’aux idées que nous voulons qu’ils représentent ; mais, pour cela, il n’est pas nécessaire de faire de nouveaux sons, parce qu’on peut se servir de ceux qui sont déjà en usage, en les regardant comme s’ils n’avaient aucune signification, pour leur donner celle que nous voulons qu’ils aient, en désignant par d’autres mots simples, et qui ne soient point équivoques, l’idée à laquelle nous voulons les appliquer : comme si je veux prouver que notre âme est immortelle, le mot d’âme étant équivoque, comme nous l’avons montré, fera naître aisément de la confusion dans ce que j’aurai à dire : de sorte que, pour l’éviter, je regarderai le mot d’âme comme si c’était un son qui n’eût point encore de sens, et je l’appliquerai uniquement à ce qui est en nous le principe de la pensée, en disant : J’appelle âme ce qui est en nous le principe de la pensée.