Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/112

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que les idées comprennent ce qu’ils voudraient qu’elles comprissent ; de sorte que si, en voulant les définir, nous attribuons à ces idées quelque chose qu’elles ne contiennent pas, nous tombons nécessairement dans l’erreur.

Ainsi, pour donner un exemple de l’un et de l’autre, si, dépouillant le mot parallélogramme de toute signification, je l’applique à signifier un triangle, cela m’est permis, et je ne commets en cela aucune erreur, pourvu que je ne le prenne qu’en cette sorte : et je pourrai dire alors que le parallélogramme a trois angles égaux à deux droits ; mais si, laissant à ce mot sa signification et son idée ordinaire, qui est de signifier une figure dont les côtés sont parallèles, je venais à dire que le parallélogramme est une figure à trois lignes, parce que ce serait alors une définition de choses, elle serait très-fausse, étant impossible qu’une figure à trois lignes ait ses côtés parallèles.

Il s’ensuit, en second lieu, que les définitions des noms ne peuvent pas être contestées par cela même qu’elles sont arbitraires ; car vous ne pouvez pas nier qu’un homme n’ait donné à un son la signification qu’il dit lui avoir donnée, ni qu’il n’ait cette signification dans l’usage qu’en fait cet homme, après nous en avoir avertis ; mais pour les définitions des choses, on a souvent droit de les contester, puisqu’elles peuvent être fausses, comme nous l’avons montré.

Il s’ensuit, troisièmement, que toute définition de nom, ne pouvant être contestée, peut être prise pour principe[1], au lieu que les définitions de choses ne peuvent point du tout être prises pour principes, et sont de véritables propositions qui peuvent être niées par ceux qui y trouveront quelque obscurité, et par conséquent elles ont besoin d’être prouvées comme d’autres propositions,

  1. Ce qui peut être pris pour principe, c’est la définition des conceptions ou idées, qui est à priori et qui montre de quelle manière a lieu la génération d’un concept, comme celui de cône ou de pyramide. Cette sorte de définition par génération, est le principe des sciences géométriques. La définition de choses est expérimentale, au contraire, et se fait par composition. Voir plus loin les chapitres relatifs à la définition.