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CHAPITRE XIII

Observations importantes touchant la définition des mots.


Après avoir expliqué ce que c’est que les définitions des noms, et combien elles sont utiles et nécessaires, il est important de faire quelques observations sur la manière de s’en servir, afin de ne pas en abuser.

La première est qu’il ne faut pas entreprendre de définir tous les mots, parce que souvent cela serait inutile, et qu’il est même impossible de le faire. Je dis qu’il serait souvent inutile de définir certains noms ; car, lorsque l’idée que les hommes ont de quelque chose est distincte, et que tous ceux qui entendent une langue forment la même idée en entendant prononcer un mot, il serait inutile de le définir, puisqu’on a déjà la fin de la définition, qui est que le mot soit attaché à une idée claire et distincte. C’est ce qui arrive dans les choses fort simples dont tous les hommes ont naturellement la même idée ; de sorte que les mots par lesquels on les signifie sont entendus de la même sorte par tous ceux qui s’en servent, ou, s’ils y mêlent quelquefois quelque chose d’obscur, leur principale attention néanmoins va toujours à ce qu’il y a de clair ; et ainsi tous ceux qui ne s’en servent que pour en marquer l’idée claire, n’ont pas sujet de craindre qu’ils ne soient pas entendus. Tels sont les mots d’être, de pensée, d’étendue, d’égalité, de durée ou de temps, et autres semblables. Car, encore que quelques-uns obscurcissent l’idée du temps par diverses propositions qu’ils en forment, et qu’ils appellent définitions, comme que le temps est la mesure du mouvement selon l’antériorité et la postériorité[1], néanmoins ils ne s’arrêtent pas eux-mêmes à cette définition, quand ils entendent

  1. Définition empruntée à Platon et à Aristote.