Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/136

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choquante, c’est en quelque sorte détruire la fin de l’article que de le traduire par une répétition expresse d’un même mot, ceci est mon corps, mon corps donné pour vous, l’article n’étant mis que pour éviter cette répétition ; au lieu qu’en traduisant par le pronom relatif, ceci est mon corps, qui est donné pour vous, on garde cette condition essentielle de l’article, qui est de ne représenter le nom que d’une manière confuse, et de ne pas frapper l’esprit deux fois par la même image, et l’on manque seulement à en observer une autre, qui pourrait paraître moins essentielle, qui est que l’article tient de telle sorte la place du nom, que l’adjectif que l’on y joint ne fait point une nouvelle proposition, τὸ ὑπὲρ ὑμῶν διδόμενον ; au lieu que le relatif qui, quæ, quod sépare un peu davantage, et devient sujet d’une nouvelle proposition, ὃ ὑπὲρ ὑμῶν δίδοται. Ainsi il est vrai que ni l’une ni l’autre de ces deux traductions : Ceci est mon corps qui est donné pour vous ; Ceci est mon corps, mon corps donné pour vous, n’est entièrement parfaite ; l’une changeant la signification confuse de l’article en une signification distincte, contre la nature de l’article, et l’autre, qui conserve cette signification confuse, séparant en deux propositions, par le pronom relatif, ce qui n’en fait qu’une par le moyen de l’article. Mais si l’on est obligé par nécessité à se servir de l’une ou de l’autre, on n’a pas droit de choisir la première en condamnant l’autre, comme cet auteur a prétendu faire par sa remarque.


CHAPITRE II

Du verbe.


Nous avons emprunté jusqu’ici ce que nous avons dit des noms et des pronoms d’un petit livre imprimé il y a quelque temps sous le titre de Grammaire générale[1], à l’exception de quelques points que nous avons expliqués d’une autre manière ; mais en ce qui regarde le verbe, dont il traite dans le chapitre XIII, je ne ferai que transcrire ce que cet auteur en dit, parce qu’il m’a semblé que l’on n’y pouvait rien ajouter.

Les hommes, dit-il, n’ont pas eu moins besoin d’inventer des mots qui marquassent l’affirmation, qui est la

  1. Lancelot est le principal auteur de cette Grammaire générale et raisonnée connue sous le nom de grammaire de Port-Royal, et qui parut en 1660.