Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/16

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composé de plusieurs propositions : car à la majeure on joint les preuves de la majeure, à la mineure les preuves de la mineure, et ensuite on conclut.

» L’on peut réduire ainsi toute l’oraison pour Milon à un argument composé, dont la majeure est qu’il est permis de tuer celui qui nous dresse des embûches.

CHAPITRE XVI. — Des dilemmes.

» On peut définir un dilemme un raisonnement composé, où après avoir divisé un tout en ses parties, on conclut affirmativement ou négativement du tout ce qu’on a conclu de chaque partie.

» Un dilemme peut être vicieux principalement par deux défauts. L’un est, quand la disjonctive sur laquelle il est fondé est défectueuse, ne comprenant pas tous les membres du tout que l’on divise.

» L’autre défaut, est quand les conclusions particulières de chaque partie ne sont pas nécessaires.

CHAPITRE XIX. — Des sophismes.
I. Prouver autre chose que ce qui est en question.

» Ce sophisme est appelé par Aristote ignoratio elenchi, c’est-à-dire l’ignorance de ce que l’on doit prouver contre son adversaire. C’est un vice très-ordinaire dans les contestations des hommes. On dispute avec chaleur, et souvent on ne s’entend pas l’un l’autre.

II. Supposer pour vrai ce qui est en question.

» C’est ce qu’Aristote appelle pétition de principe, ce qu’on voit assez être entièrement contraire à la vraie raison ; puisque, dans tout raisonnement, ce qui sert de preuve doit être plus clair et plus connu que ce qu’on veut prouver.

III. Prendre pour cause ce qui n’est point cause.

» Ce sophisme s’appelle non causa pro causâ.

» Quand nous voyons un effet dont la cause nous est inconnue, nous nous imaginons l’avoir découverte, lorsque nous avons joint à cet effet un mot général de vertu ou de faculté.

» Il y a dans les artères une vertu pulsifique, dans l’aimant une vertu magnétique, dans le séné une vertu purgative et dans le pavot une vertu soporifique.

» C’est encore à cette sorte de sophisme qu’on doit rapporter cette tromperie ordinaire de l’esprit humain, post hoc, ergo propter hoc. Cela est arrivé ensuite de telle chose : il faut donc que cette chose en soit la cause. C’est par là que l’on a conclu que c’était une étoile nommée Canicule qui était cause de la chaleur extraordinaire que l’on sent durant les jours que l’on appelle caniculaires.

IV. Dénombrement imparfait.

» Il n’y a guère de défaut de raisonnement où les personnes habiles tombent plus facilement qu’en celui de faire des dénombrements imparfaits, et de ne considérer pas assez toutes les manières dont une chose