Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/173

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De même quand il dit que c’était son corps, ils conçurent que ceci était son corps dans ce moment-là. Ainsi l’expression, ceci est mon corps, forma en eux cette proposition totale ; ceci, qui est du pain dans ce moment-ci, est mon corps dans cet autre moment ; et cette expression étant claire, l’abrégé de la proposition, qui ne diminue rien de l’idée, l’est aussi.

Et quant à la difficulté proposée par les ministres, qu’une même chose ne peut être pain et corps de Jésus-Christ, comme elle regarde également la proposition étendue, ceci, qui est pain dans ce moment-ci, est mon corps dans cet autre moment, et la proposition abrégée, ceci est mon corps, il est clair que ce ne peut être qu’une chicanerie frivole pareille à celle qu’on pourrait alléguer contre ces propositions : cette église fut brûlée en un tel temps, et elle a été rétablie dans cet autre temps ; et qu’elles se doivent toutes démêler par cette manière de concevoir plusieurs sujets distincts sous une même idée, qui fait que le même terme est tantôt pris pour un sujet et tantôt pour un autre, sans que l’esprit s’aperçoive de ce passage d’un sujet à un autre.

Au reste, on ne prétend pas décider ici cette importante question, de quelle sorte on doit entendre ces paroles, ceci est mon corps, si c’est dans un sens de figure ou dans un sens de réalité. Car il ne suffit pas de prouver qu’une proposition peut se prendre dans un certain sens ; il faut de plus prouver qu’elle doit s’y prendre. Mais comme il y a des ministres qui, par les principes d’une très-fausse logique, soutiennent opiniâtrément que les paroles de Jésus-Christ ne peuvent recevoir le sens catholique, il n’est point hors de propos d’avoir montré ici en abrégé que le sens catholique n’a rien que de clair, de raisonnable et de conforme au langage commun de tous les hommes.


CHAPITRE XIII

Autres observations pour reconnaître si les propositions sont universelles ou particulières.


On peut faire quelques observations semblables, et non moins nécessaires, touchant l’universalité et la particularité.

Observation I. Il faut distinguer deux sortes d’universalités : l’une qu’on peut appeler métaphysique, et l’autre morale.

J’appelle universalité métaphysique, lorsqu’une universalité est parfaite et sans exception, comme, tout homme est vivant, cela ne reçoit point d’exception.

Et j’appelle universalité morale celle qui reçoit quelque exception, parce que, dans les choses morales, on se contente que les choses soient telles ordinairement, ut plurimum, comme ce que saint Paul rapporte et approuve :