Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/189

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1o Il faut qu’une définition soit universelle, c’est-à-dire qu’elle comprenne tout le défini. C’est pourquoi la définition commune du temps, que c’est la mesure du mouvement, n’est peut-être pas bonne, parce qu’il y a grande apparence que le temps ne mesure pas moins le repos que le mouvement, puisqu’on dit aussi bien qu’une chose a été tant de temps en repos, comme on dit qu’elle s’est remuée pendant tant de temps ; de sorte qu’il semble que le temps ne soit autre chose que la durée de la créature en quelque état qu’elle soit.

2o Il faut qu’une définition soit propre, c’est-à-dire qu’elle ne convienne qu’au défini. C’est pourquoi la définition commune des éléments, un corps simple corruptible, ne semble pas bonne ; car les corps célestes n’étant pas moins simples que les éléments par le propre aveu de ces philosophes, on n’a aucune raison de croire qu’il ne se fasse pas dans les cieux des altérations semblables à celles qui se font sur la terre, puisque, sans parler des comètes, qu’on sait maintenant n’être point formées des exhalaisons de la terre, comme Aristote se l’était imaginé, on a découvert des taches dans le soleil, qui s’y forment et qui s’y dissipent de la même sorte que nos nuages, quoique ce soient de bien plus grands corps.

3o Il faut qu’une définition soit claire, c’est-à-dire qu’elle nous serve à avoir une idée plus claire et plus distincte de la chose qu’on définit, et qu’elle nous en fasse, autant qu’il se peut, comprendre la nature ; de sorte qu’elle puisse nous aider à rendre raison de ses principales propriétés. C’est ce qu’on doit principalement considérer dans les définitions, et c’est ce qui manque à une grande partie des définitions d’Aristote.

Car qui est celui qui a mieux compris la nature du mouvement par cette définition : Actus entis in potentia quatenus in potentia, l’acte d’un être en puissance en tant qu’il est en puissance[1] ? L’idée que la nature nous en

  1. Aristote, Métaphysique, VI. La définition d’Aristote, qui ne doit pas être considérée indépendamment de toute sa doctrine, est des plus pro-