Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/204

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tendue que le sujet, est toujours considéré comme pris particulièrement, parce que ce n’est que par accident s’il est quelquefois pris généralement ;

4. L’attribut d’une proposition négative est toujours pris généralement.

C’est principalement sur ces axiomes que sont fondées les règles générales des syllogismes, qu’on ne saurait violer sans tomber dans de faux raisonnements.

Règle I. Le moyen ne peut être pris deux fois particulièrement ; mais il doit être pris au moins une fois universellement[1].

Car, devant unir ou désunir les deux termes de la conclusion, il est clair qu’il ne peut le faire s’il est pris pour deux parties différentes d’un même tout, parce que ce ne sera pas peut-être la même partie qui sera unie ou désunie de ces deux termes. Or, étant pris deux fois particulièrement, il peut être pris pour deux différentes parties du même tout ; et par conséquent on n’en pourra rien conclure, au moins nécessairement ; ce qui suffit pour rendre un argument vicieux, puisqu’on n’appelle bon syllogisme, comme on vient de le dire, que celui dont la conclusion ne peut être fausse, les prémisses étant vraies. Ainsi, dans cet argument : Quelque homme est saint : quelque homme est voleur : donc quelque voleur est saint, le mot d’homme, étant pris pour diverses parties des hommes ne peut unir voleur avec saint, parce que ce n’est pas le même homme qui est saint et qui est voleur.

On ne peut pas dire de même du sujet et de l’attribut de la conclusion : car, encore qu’ils soient pris deux fois particulièrement, on ne peut néanmoins les unir ensemble en unissant un de ces termes au moyen dans toute l’étendue du moyen ; car il s’ensuit de là fort bien que, si ce moyen est uni dans quelqu’une de ses parties à quelque partie de l’autre terme, ce premier terme,

  1. Euler, dans ses Lettres à une princesse d’Allemagne, rend cette règle sensible au moyen d’une figure géométrique. De ce qu’une partie du cercle A est contenue dans le cercle B qui le coupe, et de ce qu’une partie du cercle B à son tour est contenue dans le cercle C, il ne s’ensuit pas que le premier cercle ait une partie contenue dans le troisième.