» Ce n’est pas que personne fasse expressément ces sortes de raisonnements : il a cent mille livres de rente, donc il a raison ; il est de grande naissance, donc on doit croire ce qu’il avance comme véritable ; c’est un homme qui n’a point de bien, il a donc tort : néanmoins il se passe quelque chose de semblable dans l’esprit de la plupart des hommes, et qui emporte leur jugement sans qu’ils y pensent.
» Il s’est trouvé des philosophes qui ont fait profession de nier la possibilité de la science, et qui ont même établi sur ce fondement toute leur philosophie ; et entre ces philosophes, les uns se sont contentés de nier la certitude en admettant la vraisemblance ; et ce sont les nouveaux académiciens : les autres, qui sont les pyrrhoniens, ont même nié cette vraisemblance, et ont prétendu que toutes choses étaient également obscures et incertaines.
» Il y a de la certitude et de l’incertitude et dans l’esprit et dans les sens ; et ce serait une faute égale de vouloir faire passer toutes choses ou pour certaines ou pour incertaines.
» On peut appeler généralement méthode l’art de bien disposer une suite de plusieurs pensées, ou pour découvrir la vérité quand nous l’ignorons, ou pour la prouver aux autres quand nous la connaissons déjà.
» Ainsi, il y a deux sortes de méthodes : l’une pour découvrir la vérité, qu’on appelle analyse ou méthode de résolution, et qu’on peut aussi appeler méthode d’invention ; et l’autre pour la faire entendre aux autres, quand on l’a trouvée, qu’on appelle synthèse ou méthode de composition et qu’on peut aussi appeler méthode de doctrine.
» De quelque nature que soit la question que l’on propose à résoudre, la première chose qu’il faut faire est de concevoir nettement et distinctement ce que c’est précisément qu’on demande, c’est-à-dire quel est le point précis de la question.
» Lors donc qu’on a bien examiné les conditions qui désignent et qui marquent ce qu’il y a d’inconnu dans la question, il faut ensuite examiner ce qu’il y a de connu, puisque c’est par là qu’on doit arriver à la connaissance de ce qui est inconnu.
» Cette méthode consiste principalement à commencer par les choses les plus générales et les plus simples, pour passer aux moins générales et plus composées.
1. Ne laisser aucun des termes un peu obscurs ou équivoques sans le définir.