Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/236

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S’il y a un Dieu, il faut l’aimer ;

Or, il y a un Dieu :

Donc il faut l’aimer.

La majeure a deux parties : la première s’appelle l’antécédent, s’il y a un Dieu ; la deuxième, le conséquent, il faut l’aimer.

Ce syllogisme peut être de deux sortes, parce que de la même majeure on peut former deux conclusions.

La première est, quand ayant affirmé le conséquent dans la majeure, on affirme l’antécédent dans la mineure, selon cette règle : en pesant l’antécédent, on pose le conséquent.

Si la matière ne peut se mouvoir d’elle-même, il faut que le premier mouvement lui ait été donné de Dieu ;

Or, la matière ne peut se mouvoir d’elle-même :

Il faut donc que le premier mouvement lui ait été donné de Dieu.

La deuxième sorte est, quand on ôte le conséquent pour ôter l’antécédent, selon cette règle : ôtant le conséquent, on ôte l’antécédent.

Si quelqu’un des élus périt, Dieu se trompe ;

Mais Dieu ne se trompe point :

Donc aucun des élus ne périt.

C’est le raisonnement de saint Augustin : Horum si quisquam perit, fallitur Deus : sed nemo eorum perit, quia non fallitur Deus.

Les arguments conditionnels sont vicieux en deux manières : l’une est, quand la majeure est une conditionnelle déraisonnable, et dont la conséquence est contre les règles, comme si je concluais le général du particulier, en disant : Si nous nous trompons en quelque chose, nous nous trompons en tout.

Mais cette fausseté dans la majeure de ces syllogismes en regarde plutôt la matière que la forme ; ainsi, on ne les considère comme vicieux selon la forme, que quand on tire une mauvaise conclusion de la majeure, vraie ou fausse, raisonnable ou déraisonnable : ce qui se fait de deux sortes.

La première, lorsqu’on infère l’antécédent du conséquent, comme si on disait :

Si les Chinois sont mahométans, ils sont infidèles ;

Or, ils sont infidèles :

Donc ils sont mahométans.

La deuxième sorte d’arguments conditionnels qui sont faux, est quand de la négation de l’antécédent on infère la négation du conséquent, comme dans le même exemple :

Si les Chinois sont mahométans, ils sont infidèles ;

Or, ils ne sont pas mahométans :

Donc ils ne sont pas infidèles.

Il y a néanmoins de ces arguments conditionnels qui semblent avoir ce second défaut, qui ne laissent pas d’être fort bons, parce qu’il y a une exclusion sous-entendue dans la majeure, quoique non exprimée. Exemple : Cicéron ayant publié une loi contre ceux qui achèteraient les suffrages, et Muréna étant accusé de les avoir achetés, Cicéron, qui