Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puissance de Dieu, ou la peine du premier péché de l’homme ? Mais, parce que Dieu n’est ni injuste ni impuissant, il ne reste plus que ce que vous ne voulez pas reconnaître, mais qu’il faut pourtant que vous reconnaissiez malgré vous, que ce joug si pesant, que les enfants d’Adam sont obligés de porter depuis que leurs corps sont sortis du sein de leur mère, jusqu’au jour qu’ils rentrent dans le sein de leur mère commune, qui est la terre, n’aurait point été, s’ils ne l’avaient mérité par le crime qu’ils tirent de leur origine[1]. »


CHAPITRE XVI

Des dilemmes.


On peut définir un dilemme un raisonnement composé, où, après avoir divisé un tout en ses parties, on conclut affirmativement ou négativement du tout ce qu’on a conclu de chaque partie[2].

Je dis ce qu’on a conclu de chaque partie, et non pas seulement ce qu’on en aurait affirmé ; car on n’appelle proprement dilemme que quand ce que l’on dit de chaque partie est appuyé de sa raison particulière.

Par exemple, ayant à prouver qu’on ne saurait être heureux en ce monde, on peut le faire par ce dilemme :

On ne peut vivre en ce monde qu’en s’abandonnant à ses passions ou en les combattant.

Si on s’y abandonne, c’est un état malheureux, parce qu’il est honteux, et qu’on ne saurait y être content ;

Si on les combat, c’est aussi un état malheureux, parce qu’il n’y a rien de plus pénible que cette guerre intérieure qu’on est continuellement obligé de se faire à soi-même :

Il ne peut donc y avoir en cette vie de véritable bonheur.

  1. Contra Julianum pelagianum, lib. iv, 83.
  2. À vrai dire, le dilemme n’est pas un syllogisme composé ou un double syllogisme, mais un syllogisme hypothétique où on divise le moyen terme en deux, trois, quatre espèces.