Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/248

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Si l’on veut prouver que les évêques qui ne travaillent point au salut des âmes qui leur sont commises sont inexcusables devant Dieu, on peut le faire par ce dilemme :

Ou ils sont capables de cette charge, ou ils en sont incapables :

S’ils en sont capables, ils sont inexcusables de ne pas s’y employer ;

S’ils en sont incapables, ils sont inexcusables d’avoir accepté une charge si importante dont ils ne pouvaient pas s’acquitter ;

Et par conséquent, en quelque manière que ce soit, ils sont inexcusables devant Dieu, s’ils ne travaillent au salut des âmes qui leur sont commises.

Mais on peut faire quelques observations sur ces sortes de raisonnements.

La première est que l’on n’exprime pas toujours toutes les propositions qui y entrent : car, par exemple, le dilemme que nous venons de proposer est renfermé dans ce peu de paroles d’une harangue de saint Charles[1], à l’entrée de l’un de ses conciles provinciaux : Si tanto muneri impares, cur tam ambitiosi ? si pares, cur tam negligentes ?

Ainsi, il y a beaucoup de choses sous-entendues dans ce dilemme célèbre par lequel un ancien philosophe prouvait qu’on ne devait point se mêler des affaires de la république :

Si on y agit bien, on offensera les hommes ; si on y agit mal, on offensera les dieux : donc on ne doit pas s’en mêler.

Et de même en celui par lequel un autre[2] prouvait qu’il ne fallait pas se marier : Si la femme qu’on épouse est belle, elle cause de la jalousie ; si elle est laide, elle déplaît : donc il ne faut pas se marier.

Car, dans l’un et l’autre de ces dilemmes, la proposition qui devait contenir la partition est-entendue ; et

  1. Saint Charles Borromée, cardinal archevêque de Milan, né en 1538, mort en 1584.
  2. Antisthènes selon Diogène Laerce, Bias selon Aulu-Gelle.