Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/250

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pas voir qu’on peut concevoir un troisième état entre ces deux-là, qui est que l’âme, demeurant après le corps, se trouvât dans un état de tourment et de misère, et qui donne un juste sujet d’appréhender la mort, de peur de tomber en cet état.

L’autre défaut, qui empêche que les dilemmes ne concluent, est quand les conclusions particulières de chaque partie ne sont pas nécessaires. Ainsi, il n’est pas nécessaire qu’une belle femme cause de la jalousie, puisqu’elle peut être si sage et si vertueuse, qu’on n’aura aucun sujet de se défier de sa fidélité.

Il n’est pas nécessaire aussi qu’étant laide, elle déplaise à son mari, puisqu’elle peut avoir d’autres qualités si avantageuses d’esprit et de vertu qu’elle ne laissera pas de lui plaire.

La troisième observation est que celui qui se sert d’un dilemme doit prendre garde qu’on ne puisse le retourner contre lui-même. Ainsi Aristote témoigne qu’on retourna, contre le philosophe qui ne voulait pas qu’on se mêlât des affaires publiques, le dilemme dont il se servait pour le prouver ; car on lui dit :

Si on s’y gouverne selon les règles corrompues des hommes, on contentera les hommes ;

Si on garde la vraie justice, on contentera les dieux :

Donc on doit s’en mêler.

Néanmoins ce retour n’était pas raisonnable ; car il n’est pas avantageux de contenter les hommes en offensant Dieu.


CHAPITRE XVII

Des lieux ou de la méthode de trouver des arguments. Combien cette méthode est de peu d’usage.


Ce que les rhétoriciens et les logiciens appellent lieux, loci argumentorum, sont certains chefs généraux, aux-