Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/258

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Ce que l’on prétend faire ou obtenir est appelé finis cujus gratiâ. Ainsi, la santé est la fin de la médecine, parce qu’elle prétend la procurer.

Celui pour qui l’on travaille est appelé finis cui. L’homme est la fin de la médecine en cette manière, parce que c’est à lui qu’elle a dessein d’apporter la guérison.

Il n’y a rien de plus ordinaire que de tirer des arguments de la fin, ou pour montrer qu’une chose est imparfaite, comme qu’un discours est mal fait, lorsqu’il n’est pas propre à persuader ; ou pour faire voir qu’il est vraisemblable qu’un homme a fait ou fera quelque action, parce qu’elle est conforme à la fin qu’il a accoutumé de se proposer : d’où vient cette parole célèbre d’un juge de Rome, qu’il fallait examiner avant toutes choses cui bono, c’est-à-dire quel intérêt un homme aurait eu à faire une chose, parce que les hommes agissent ordinairement selon leur intérêt, ou pour montrer, au contraire, qu’on ne doit pas soupçonner un homme d’une action, parce qu’elle aurait été contraire à sa fin.

Il y a encore plusieurs autres manières de raisonner par la fin, que le bon sens découvrira mieux que tous les préceptes ; ce qui soit dit aussi pour les autres lieux.

La cause efficiente est celle qui produit une autre chose[1]. On en tire des arguments, en montrant qu’un effet n’est pas, parce qu’il n’a pas eu de cause suffisante, ou qu’il est ou sera, en faisant voir que toutes ses causes sont. Si ces causes sont nécessaires, l’argument est nécessaire ; si elles sont libres et contingentes, il n’est que probable.

Il y a diverses espèces de cause efficiente, dont il est utile de savoir les noms :

Dieu créant Adam était sa cause totale, parce que rien ne concourait avec lui ; mais le père et la mère ne sont chacun que causes partielles de leur enfant, parce qu’ils ont besoin l’un de l’autre.

Le soleil est une cause propre de la lumière ; mais il n’est cause qu’ac-

  1. Aristote l’appelle la cause du mouvement ou changement, τὴν ἀρχὴν τῆς κινήσεως. Il appelle la fin τὸ τοῦ ἕνεκεν, τὸ ἀγαθόν. (Métaph., I, 3.)