Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/260

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La forme[1] est ce qui rend une chose telle et la distingue des autres, soit que ce soit un être réellement distingué de la matière, selon l’opinion de l’école, soit que ce soit seulement l’arrangement des parties. C’est par la connaissance de cette forme qu’on en doit expliquer les propriétés.

Il y a autant de différents effets que de causes, ces mots étant réciproques. La manière ordinaire d’en tirer des arguments est de montrer que si l’effet est, la cause est, rien ne pouvant être sans cause. On prouve aussi qu’une cause est bonne ou mauvaise quand les effets en sont bons ou mauvais, ce qui n’est pas toujours vrai dans les causes par accident.

On a parlé suffisamment du tout et des parties dans le chapitre de la division, et ainsi il n’est pas nécessaire d’en rien ajouter ici.

On fait de quatre sortes de termes opposés :

Les relatifs, comme père, fils ; maître, serviteur ;

Les contraires, comme froid et chaud ; sain et malade ;

Les privatifs, comme la vie, la mort ; la vue, l’aveuglement ; l’ouïe, la surdité ; la science, l’ignorance ;

Les contradictoires, qui consistent dans un terme et dans la simple négation de ce terme : voir, ne voir pas. La différence qu’il y a entre ces deux dernières sortes d’opposés est que les termes privatifs enferment la négation d’une forme dans un sujet qui en est capable, au lieu que les négatifs ne marquent point cette capacité : c’est pourquoi on ne dit point qu’une pierre est aveugle ou morte, parce qu’elle n’est capable ni de la vue ni de la vie.

Comme ces termes sont opposés, on se sert de l’un pour nier l’autre. Les termes contradictoires ont cela de propre qu’en ôtant l’un on établit l’autre.

Il y a plusieurs sortes de comparaison : car l’on compare les choses, ou égales, ou inégales ; ou semblables, ou dissemblables. On prouve que ce qui convient ou ne convient pas à une chose égale ou semblable convient ou ne convient pas à une autre chose à qui elle est égale ou semblable.

Dans les choses inégales, on prouve négativement que, si ce qui est plus probable n’est pas, ce qui est moins probable n’est pas à plus forte raison ; ou affirmativement que, si ce qui est moins probable est, ce qui est plus probable est aussi. On se sert d’ordinaire des différences ou des dissimilitudes pour ruiner ce que d’autres auraient voulu établir par des similitudes, comme on ruine l’argument qu’on tire d’un arrêt en montrant qu’il est donné sur un autre cas.

Voilà grossièrement une partie de ce que l’on dit des lieux. Il y a des choses qu’il est plus utile de ne savoir qu’en cette manière. Ceux qui en désireront davantage le peuvent voir dans les auteurs qui en ont traité

  1. Τὸ εἶδος, selon Aristote.