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avec plus de soin. On ne saurait néanmoins conseiller à personne de l’aller chercher dans les Topiques d’Aristote, parce que ce sont des livres étrangement confus ; mais il y a quelque chose d’assez beau sur ce sujet dans le premier livre de sa Rhétorique, où il enseigne diverses manières de faire voir qu’une chose est utile, agréable, plus grande, plus petite. Il est vrai néanmoins qu’on n’arrivera jamais par ce chemin à aucune connaissance bien solide.


CHAPITRE XIX

Des diverses manières de mal raisonner, que l’on appelle sophismes.


Quoique, sachant les règles des bons raisonnements, il ne soit pas difficile de reconnaître ceux qui sont mauvais, néanmoins, comme les exemples à fuir frappent souvent davantage que les exemples à imiter, il ne sera pas inutile de représenter les principales sources des mauvais raisonnements que l’on appelle sophismes[1] ou paralogismes[2], parce que cela donnera encore plus de facilité à les éviter.

Je ne les réduirai qu’à sept ou huit, y en ayant quelques-uns de si grossiers, qu’ils ne méritent pas d’être remarqués.

I. Prouver autre chose que ce qui est en question.

Ce sophisme est appelé par Aristote ignoratio elenchi[3], c’est-à-dire l’ignorance de ce que l’on doit prouver contre son adversaire. C’est un vice très-ordinaire dans les contestations des hommes. On dispute avec chaleur, et souvent on ne s’entend pas l’un l’autre. La passion ou la mauvaise foi fait qu’on attribue à son adversaire ce qui est éloigné de son sentiment pour le combattre avec plus

  1. Ces chapitres de la Logique d’Arnauld répondent au dernier des traités d’Aristote qui est intitulé : De la réfutation des sophismes, περὶ τῶν σοφιστικῶν ἐλέγχων.
  2. On appelle sophisme un faux raisonnement fait de mauvaise foi, et paralogisme un faux raisonnement commis de bonne foi.
  3. Les scolastiques ont latinisé le mot ἐλεγχος : τὴν τοῦ ἐλέγχου ἀγνοίαν.