Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/263

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C’est donc une injustice à Aristote de reprocher à ces anciens philosophes d’avoir ignoré une chose qu’il est impossible d’ignorer, et de les accuser de ne s’être pas servi, pour expliquer la nature, d’un principe qui n’explique rien ; et c’est une illusion et un sophisme que d’avoir produit au monde ce principe de la privation comme un rare secret, puisque ce n’est point ce que l’on cherche quand on tâche de découvrir les principes de la nature. On suppose, comme une chose connue, qu’une chose n’est pas avant que d’être faite ; mais on veut savoir de quels principes elle est composée et quelle cause l’a produite.

Aussi n’y a-t-il jamais eu de statuaire, par exemple, qui, pour apprendre à quelqu’un la manière de faire une statue, lui ait donné, pour première instruction, cette leçon par laquelle Aristote veut qu’on commence l’explication de tous les ouvrages de la nature : Mon ami, la première chose que vous devez savoir est que, pour faire une statue, il faut choisir un marbre qui ne soit pas encore cette statue que vous voulez faire[1].

II. Supposer pour vrai ce qui est en question.

C’est ce qu’Aristote appelle pétition de principe[2], ce qu’on voit assez être entièrement contraire à la vraie raison ; puisque, dans tout raisonnement, ce qui sert de preuve doit être plus clair et plus connu que ce qu’on veut prouver.

Cependant Galilée l’accuse, et avec justice, d’être tombé lui-même dans ce défaut, lorsqu’il veut prouver, par cet argument que la terre est au centre du monde.

La nature des choses pesantes est de tendre au centre du monde, et des choses légères de s’en éloigner ;

Or, l’expérience nous fait voir que les choses pesantes

  1. Les plaisanteries d’Arnauld prouvent simplement qu’il ne connaît rien à la métaphysique d’Aristote ni à sa physique.
  2. Παρὰ τὸ ἐν ἀρχῆ λαμδάνειν. Réfutation des sophismes, 27.