Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raient d’en dire autant, s’en tirent d’une autre manière, et prétendent qu’ils ont découvert la vraie cause de ces effets, qui est qu’il y a dans les artères une vertu pulsifique, dans l’aimant une vertu magnétique, dans le séné une vertu purgative et dans le pavot une vertu soporifique. Voilà qui est fort commodément résolu, et il n’y a point de Chinois qui n’eût pu avec autant de facilité se tirer de l’admiration où on était des horloges en ce pays-là lorsqu’on leur en apporta d’Europe, car il n’aurait eu qu’à dire qu’il connaissait parfaitement la raison de ce que les autres trouvaient si merveilleux, et que ce n’était autre chose, sinon qu’il y avait dans cette machine une vertu indicatrice qui marquait les heures sur le cadran et une vertu sonorifique qui les faisait sonner ; il se serait rendu aussi savant par là dans la connaissance des horloges que le sont ces philosophes dans la connaissance du battement des artères, et des propriétés de l’aimant, du séné et du pavot[1].

Il y a encore d’autres mots qui servent à rendre les hommes savants à peu de frais, comme de sympathie, d’antipathie, de qualités occultes ; mais encore tous ceux-là ne diraient rien de faux, s’ils se contentaient de donner à ces mots de vertu et de faculté une notion générale de cause quelle qu’elle soit, intérieure ou extérieure, dispositive ou active. Car il est certain qu’il y a dans l’aimant quelque disposition qui fait que le fer va plutôt s’y joindre qu’à une autre pierre, et il a été permis aux hommes d’appeler cette disposition, en quoi que ce soit qu’elle consiste, vertu magnétique, de sorte que s’ils se trompent, c’est seulement en ce qu’ils s’imaginent en être plus savants pour avoir trouvé ce mot, ou bien en ce que par là ils veulent que nous entendions une certaine qualité imaginaire par laquelle l’aimant attire le fer, laquelle ni eux ni personne n’a jamais conçue.

Mais il y en a d’autres qui nous donnent pour les véri-

  1. Cette critique spirituelle des facultés et vertus occultes rappelle les scènes très-connues de Molière.