Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/269

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tables causes de la nature de pures chimères, comme font les astrologues, qui rapportent tout aux influences des astres et qui ont même trouvé par là qu’il fallait qu’il y eût un ciel immobile au-dessus de tous ceux à qui ils donnent du mouvement, parce que la terre portant diverses choses en divers pays (Non omnis fert omnia tellus, India mittit ebur, molles sua tura Sabæi)[1], on n’en pouvait rapporter la cause qu’aux influences d’un ciel qui, étant immobile, eût toujours les mêmes aspects sur les mêmes endroits de la terre.

Aussi l’un d’eux, ayant entrepris de prouver par des raisons physiques l’immobilité de la terre, fait l’une de ses principales démonstrations de cette raison mystérieuse, que si la terre tournait autour du soleil, les influences des astres iraient de travers, ce qui causerait un grand désordre dans le monde.

C’est par ces influences qu’on épouvante les peuples, quand on voit paraître quelque comète, ou qu’il arrive quelque grande éclipse, comme celle de l’an 1654, qui devait bouleverser le monde, et principalement la ville de Rome, ainsi qu’il était expressément marqué dans la chronologie de Helvicus[2], Romæ fatalis, quoiqu’il n’y ait aucune raison, ni que les comètes et les éclipses puissent avoir aucun effet considérable sur la terre, ni que des causes générales, comme celle-là, agissent plutôt en un endroit qu’en un autre, et menacent plutôt un roi ou un prince qu’un artisan : aussi en voit-on cent qui ne sont suivies d’aucun effet remarquable. Que s’il arrive quelquefois des guerres, des mortalités, des pestes et la mort de quelque prince après des comètes ou des éclipses, il en arrive aussi sans comètes ou sans éclipses ; et d’ailleurs ces effets sont si généraux et si communs, qu’il est bien difficile qu’ils n’arrivent tous les ans en quelque endroit du monde : de sorte que ceux qui disent en l’air que cette comète menace quelque grand de la mort ne se hasardent pas beaucoup.

  1. Virgile, Géorgiques.
  2. Helvicus (1581-1616), professeur allemand. Sa Chronologia universalis parut en 1618.