Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/307

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et moins pompeux ; mais elle le rend aussi plus vif, plus sérieux, plus clair et plus digne d’un honnête homme : l’impression en est bien plus forte et plus durable ; au lieu que celle qui naît simplement de ces périodes si ajustées est tellement superficielle, qu’elle s’évanouit presque aussitôt qu’on les a entendues.

III. C’est un défaut très-ordinaire parmi les hommes de juger témérairement des actions et des intentions des autres, et l’on n’y tombe guère que par un mauvais raisonnement, par lequel en ne connaissant pas assez distinctement toutes les causes qui peuvent produire quelque effet, on attribue cet effet précisément à une cause, lorsqu’il peut avoir été produit par plusieurs autres ; ou bien l’on suppose qu’une cause qui, par accident, a eu un certain effet en une rencontre, et étant jointe à plusieurs circonstances, le doit avoir en toutes rencontres[1].

Un homme de lettres se trouve de même sentiment qu’un hérétique sur une matière de critique indépendante des controverses de la religion ; un adversaire malicieux en conclura qu’il a de l’inclination pour les hérétiques, mais il le conclura témérairement et malicieusement, parce que c’est peut-être la raison et la vérité qui l’engagent dans ce sentiment.

Un écrivain parlera avec quelque force contre une opinion qu’il croit dangereuse. On l’accusera sur cela de haine et d’animosité contre les auteurs qui l’ont avancée : mais ce sera injustement et témérairement, cette force pouvant naître de zèle pour la vérité aussi bien que de haine contre les personnes.

Un homme est ami d’un méchant : donc, conclut-on, il est lié d’intérêt avec lui, et il est participant de ses crimes : cela ne s’ensuit pas ; peut-être les a-t-il ignorés, et peut-être n’y a-t-il point pris de part.

On manque de rendre quelque civilité à ceux à qui on

  1. Nicole ramène ici habilement les sophismes du cœur aux sophismes de l’esprit.