Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/308

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en doit : c’est, dit-on, un orgueilleux et un insolent ; mais ce n’est peut-être qu’une inadvertance ou un simple oubli.

Toutes ces choses extérieures ne sont que des signes équivoques, c’est-à-dire qui peuvent signifier plusieurs choses ; et c’est juger témérairement que de déterminer ce signe à une chose particulière, sans en avoir de raison particulière ; le silence est quelquefois signe de modestie et de jugement, et quelquefois de bêtise ; la lenteur marque quelquefois la prudence, et quelquefois la pesanteur de l’esprit ; le changement est quelquefois signe d’inconstante, et quelquefois de sincérité : ainsi c’est mal raisonner que de conclure qu’un homme est inconstant, de cela seul qu’il a changé de sentiment, car il peut avoir eu raison d’en changer.

IV. Les fausses inductions par lesquelles on tire des propositions générales de quelques expériences particulières sont une des plus communes sources des faux raisonnements des hommes. Il ne leur faut que trois ou quatre exemples pour en former une maxime et un lieu commun, et pour s’en servir ensuite de principe pour décider toutes choses.

Il y a beaucoup de maladies cachées aux plus habiles médecins, et souvent les remèdes ne réussissent pas ; des esprits excessifs en concluent que la médecine est absolument inutile, et que c’est un métier de charlatan.

Il y a des femmes légères et déréglées : cela suffit à des jaloux pour concevoir des soupçons injustes contre les plus honnêtes, et à des écrivains licencieux pour les condamner toutes généralement.

Il y a souvent des personnes qui cachent de grands vices sous une apparence de piété : des libertins en concluent que toute la dévotion n’est qu’hypocrisie.

Il y a des choses obscures et cachées, et l’on se trompe quelquefois grossièrement. Toutes choses sont obscures et incertaines, disent les anciens et les nouveaux pyrrho-