Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/330

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le comprendre, il n’y a qu’à s’imaginer une mer plate, que l’on augmente en longueur à l’infini, et un vaisseau sur le bord de cette mer, qui s’éloigne du port en droite ligne : il est certain qu’en regardant du port le bas du vaisseau au travers d’un verre ou d’un autre corps diaphane, le rayon qui se terminera au bas de ce vaisseau passera par un certain point du verre, et que le rayon horizontal passera par un autre point du verre plus élevé que le premier. Or, à mesure que le vaisseau s’éloignera, le point du rayon qui se terminera au bas du vaisseau montera toujours, et divisera infiniment l’espace qui est entre ces deux points ; et plus le vaisseau s’éloignera, plus il montera lentement, sans que jamais il cesse de monter, ni qu’il puisse arriver au point du rayon horizontal, parce que ces deux lignes, se coupant dans l’œil, ne seront jamais ni parallèles, ni une même ligne. Ainsi cet exemple nous fournit en même temps la preuve d’une division à l’infini de l’étendue et d’un ralentissement à l’infini du mouvement.

C’est par cette diminution infinie de l’étendue, qui naît de sa divisibilité, qu’on peut prouver ces problèmes qui semblent impossibles dans les termes : trouver un espace infini égal à un espace fini, ou qui ne soit que la moitié, le tiers, etc., d’un espace fini. On peut les résoudre en diverses manières ; et en voici une assez grossière, mais très-facile : si on prend la moitié d’un carré, et la moitié de cette moitié, et ainsi à l’infini, et que l’on joigne toutes ces moitiés par leur plus longue ligne, on en fera un espace d’une figure irrégulière, et qui diminuera toujours à l’infini par un des bouts, mais qui sera égal à tout le carré : car la moitié, et la moitié de la moitié, plus la moitié de cette seconde moitié, et ainsi à l’infini, font le tout ; le tiers et le tiers du tiers, et le tiers du nouveau tiers, et ainsi à l’infini, font la moitié. Les quarts pris de la même sorte font le tiers, et les cinquièmes le quart. Joignant bout à bout ces tiers ou ces quarts, on en fera une figure qui contiendra la moitié ou le tiers de l’aire du total, et qui sera