Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/332

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n’est-ce pas pécher visiblement contre la raison que de refuser de croire les effets merveilleux de la toute-puissance de Dieu, qui est d’elle-même incompréhensible, par cette raison que notre esprit ne peut les comprendre ?

Mais comme il est avantageux de faire sentir quelquefois à son esprit sa propre faiblesse, par la considération de ces objets qui le surpassent, et qui, le surpassant, l’abattent et l’humilient, il est certain aussi qu’il faut tâcher de choisir, pour l’occuper ordinairement, des sujets et des matières qui lui soient plus proportionnés, et dont il soit capable de trouver et de comprendre la vérité, soit en prouvant les effets par les causes, ce qui s’appelle démontrer a priori, soit en démontrant, au contraire, les causes par les effets, ce qui s’appelle prouver a posteriori[1]. Il faut un peu étendre ces termes, pour y réduire toutes sortes de démonstrations ; mais il a été bon de les marquer en passant, afin qu’on les entende, et que l’on ne soit pas surpris en les voyant dans des livres ou dans des discours de philosophie ; et, parce que ces raisons sont d’ordinaire composées de plusieurs parties, il est nécessaire, pour les rendre claires et concluantes, de les disposer en un certain ordre et une certaine méthode ; et c’est de cette méthode que nous traiterons dans la plus grande partie de ce livre.


CHAPITRE II

De deux sortes de méthode, analyse et synthèse. Exemple de l’analyse.


On peut appeler généralement méthode l’art de bien disposer une suite de plusieurs pensées, ou pour décou-

  1. Arnauld prend ici ces deux termes a priori et a posteriori en un sens différent du sens adopté de nos jours.