Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/333

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vrir la vérité quand nous l’ignorons, ou pour la prouver aux autres quand nous la connaissons déjà.

Ainsi, il y a deux sortes de méthodes : l’une pour découvrir la vérité, qu’on appelle analyse[1] ou méthode de résolution, et qu’on peut aussi appeler méthode d’invention ; et l’autre pour la faire entendre aux autres, quand on l’a trouvée, qu’on appelle synthèse ou méthode de composition et qu’on peut aussi appeler méthode de doctrine.

On ne traite pas d’ordinaire par analyse le corps entier d’une science, mais on s’en sert seulement pour résoudre quelque question.

Or, toutes les questions sont de mots ou de choses.

J’appelle ici questions de mots, non pas celles où on cherche des mots, mais celles où, par les mots, on cherche des choses, comme celles où il s’agit de trouver le sens d’une énigme, ou d’expliquer ce qu’a voulu dire un auteur par des paroles obscures et ambiguës.

Les questions[2] de choses peuvent se réduire à quatre principales espèces.

La première est quand on cherche les causes par les effets. On sait, par exemple, les divers effets de l’aimant ; on en cherche la cause : on sait les divers effets qu’on a accoutumé d’attribuer à l’horreur du vide ; on cherche si c’en est la vraie cause, et on a trouvé que non : on connaît le flux et le reflux de la mer ; on demande quelle peut être la cause d’un si grand mouvement et si réglé.

La deuxième est quand on cherche les effets par les causes. On a su par exemple de tout temps, que le vent et l’eau avaient grande force pour mouvoir les corps ; mais les anciens, n’ayant pas assez examiné quels pouvaient être les effets de ces causes, ne les avaient point appliqués, comme on a fait depuis, par le moyen des mou-

  1. Le mot analyse est pris au sens des anciens géomètres, Platon, Euclide, Pappus d’Alexandrie, pour désigner la méthode de résolution propre aux sciences abstraites.
  2. « La plus grande partie de tout ce que l’on dit ici des questions a été tiré d’un manuscrit de Descartes, que M. Clercelier a eu la bonté de prêter. » (Port-Royal.) — Ce manuscrit est le traité qui a pour titre : Regulæ ad directionem ingenii (publié en 1701).