Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/337

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tions qu’ils ne veulent pas que l’on puisse résoudre facilement, d’environner ce qu’on doit trouver de tant de conditions inutiles et qui ne servent de rien à le faire trouver, que l’on ne puisse pas facilement découvrir le vrai point de la question, et qu’ainsi on perde le temps et on se fatigue inutilement l’esprit en s’arrêtant à des choses qui ne peuvent contribuer en rien à la résoudre.

L’autre manière dont on pèche, dans l’examen des conditions de ce que l’on cherche, est quand on en omet qui sont essentielles à la question que l’on propose. On propose, par exemple, de trouver par art le mouvement perpétuel ; car on sait bien qu’il y en a de perpétuels dans la nature, comme sont les mouvements des fontaines, des rivières, des astres. Il y en a qui, s’étant imaginé que la terre tourne sur son centre, et que ce n’est qu’un gros aimant dont la pierre d’aimant a toutes les propriétés, ont cru aussi qu’on pourrait disposer un aimant de telle sorte qu’il tournerait toujours circulairement ; mais quand cela serait, on n’aurait pas satisfait au problème de trouver par art le mouvement perpétuel, puisque ce mouvement serait aussi naturel que celui d’une roue qu’on expose au courant d’une rivière[1].

Lors donc qu’on a bien examiné les conditions qui désignent et qui marquent ce qu’il y a d’inconnu dans la question, il faut ensuite examiner ce qu’il y a de connu, puisque c’est par là qu’on doit arriver à la connaissance de ce qui est inconnu ; car il ne faut pas nous imaginer que nous devions trouver un nouveau genre d’être, au lieu que notre lumière ne peut s’étendre qu’à reconnaître que ce que l’on cherche participe en telle et telle manière à la nature des choses qui nous sont connues[2]. Si un homme, par exemple, était aveugle de naissance, on se tuerait en vain de chercher des arguments et des preuves

  1. Cette question du mouvement perpétuel est, comme on sait, abandonnée aujourd’hui.
  2. Cf. Discours de la Méthode, IVe partie et fin de la Ve partie.