Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/339

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deux substances réellement distinctes[1]. D’où il s’ensuit que la destruction de l’une ne doit point emporter la destruction de l’autre ; puisque même la substance étendue n’est point proprement détruite, mais que tout ce qui arrive, en ce que nous appelons destruction, n’est autre chose que le changement ou la dissolution de quelques parties de la matière qui demeure toujours dans la nature, comme nous jugeons fort bien qu’en rompant toutes les roues d’une horloge, il n’y a point de substance détruite quoique l’on dise que cette horloge est détruite : ce qui fait voir que l’âme, n’étant point divisible et composée d’aucunes parties, ne peut périr, et par conséquent qu’elle est immortelle[2].

Voilà ce qu’on appelle analyse ou résolution, où il faut remarquer : 1o qu’on doit y pratiquer, aussi bien que dans la méthode qu’on appelle de composition, de passer toujours de ce qui est plus connu à ce qui l’est moins, car il n’y a point de vraie méthode qui puisse se dispenser de cette règle.

2o Mais qu’elle diffère de celle de composition, en ce que l’on prend ces vérités connues dans l’examen particulier de la chose que l’on se propose de connaître, et non dans les choses plus générales, comme on fait dans la méthode de doctrine. Ainsi, dans l’exemple que nous avons proposé, on ne commence pas par l’établissement de ces maximes générales : Que nulle substance ne périt, à proprement parler ; que ce qu’on appelle destruction n’est qu’une dissolution de parties ; qu’ainsi ce qui n’a point de parties ne peut être détruit, etc. ; mais on monte par degrés à ces connaissances générales.

3o On n’y propose les maximes claires et évidentes qu’à mesure qu’on en a besoin, au lieu que dans l’autre on les établit d’abord, ainsi que nous dirons plus bas.

4o Enfin, ces deux méthodes ne diffèrent que comme le chemin qu’on fait en montant d’une vallée en une

  1. Toute cette argumentation est empruntée, comme on le voit, aux Méditations de Descartes.
  2. L’argument tiré de la simplicité de l’âme remonte à Platon. Voir le Phédon.