Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/380

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pour prouver que saint Pierre n’a jamais été à Rome. Ils ne peuvent nier que cette vérité ne soit attestée par tous les auteurs ecclésiastiques, et même les plus anciens, comme Papias, saint Denis de Corinthe, Caïus, saint Irénée, Tertullien, sans qu’il s’en trouve aucun qui l’ait niée ; et néanmoins ils s’imaginent pouvoir la ruiner par des conjectures, comme par exemple, que saint Paul ne fait pas mention de saint Pierre dans ses Épîtres écrites de Rome ; et quand on leur répond que saint Pierre pouvait être alors hors de Rome, parce qu’on ne prétend pas qu’il y ait été tellement attaché qu’il n’en soit souvent sorti pour aller prêcher l’Évangile en d’autres lieux, ils répliquent que cela se dit sans preuve : ce qui est impertinent, parce que le fait qu’ils contestent étant une des vérités les plus assurées de l’histoire ecclésiastique, c’est à ceux qui le combattent de faire voir qu’il contient des contrariétés avec l’Écriture, et il suffit à ceux qui le soutiennent de résoudre ces prétendues contrariétés comme on fait celles de l’Écriture même, à quoi nous avons montré que la possibilité suffisait.


CHAPITRE XIV

Application de la règle précédente à la croyance des miracles.


La règle qui vient d’être expliquée est, sans doute, très-importante pour bien conduire sa raison dans la croyance des faits particuliers ; et, faute de l’observer, on est en danger de tomber en des extrémités dangereuses de crédulité et d’incrédulité.

Car il y en a, par exemple, qui feraient conscience de douter d’aucun miracle, parce qu’ils se sont mis dans l’esprit qu’ils seraient obligés de douter de tous s’ils doutaient d’aucuns, et qu’ils se persuadent que ce leur est assez de savoir que tout est possible à Dieu, pour croire tout ce qu’on leur dit des effets de sa toute-puissance.

D’autres, au contraire, s’imaginent ridiculement qu’il y a de la force d’esprit à douter de tous les miracles, sans en avoir d’autre raison, sinon